Individus et collectifs

« Coupe du Monde des CSC » ou « Coupe du monde des penaltys » font désormais partie des expressions reprises en chaîne au moment d’évoquer les similitudes et les points communs des premiers matchs de cette édition russe.

Une autre ressemblance semble moins évidente mais est loin d’être insignifiante. Phénomène plus abstrait et moins tangible, la multiplication des buts somptueux issus d’exploits individuels (Cheryshev, Golovin, Costa, Ronaldo, Nacho, Aguero, Kolarov, Coutinho, Mertens, Quintero,Dzyuba) escamote un constat bien triste.

En effet, si ces buts sont évidemment magnifiques pour des raisons bien différentes, ils sont en quelque sorte l’arbre feuillu et verdoyant qui cache la forêt calcinée. Car pour un coup franc magique, un enchaînement technique de haute volée ou encore une frappe à la précision d’orfèvre, combien de mouvements collectifs enivrants, de jeu à trois étourdissant, de buts marqués après une longue phase de possession ? Bien peu assurément.

Cette carence collective se retrouve immanquablement dans une finition plus propice aux épopées individuelles qu’aux constructions collectives. Si ces exploits personnels nous permettent de voir de bien belles réalisations, ils demeurent une couche, certes somptueuse, mais superficielle sur un tableau collectif aux couleurs bien pâles.

Loin d’être un système de vases communicants qui verrait une merveille de réalisation collective se substituer à un coup franc de 30 mètres en pleine lucarne, ce phénomène d’individualisation prononcée des buts de ce XXIème Mondial nous amène à deux autres constatations, qui peuvent toutefois s’entrecroiser.

Bien évidemment, les sélectionneurs disposent de peu de temps par rapport à un entraîneur de club pour parfaire ses schémas, travailler son animation tactique et perfectionner son ou ses dispositif.s. Ces raisons « temporelles » sont parfois accentuées par un changement de sélectionneur récent (Espagne, Japon, Australie) et par une myriade de néo sélectionnés ou de joueurs n’ayant jamais joué de Coupe du Monde auparavant. La France en est un exemple marquant parmi les grosses nations, et les néophytes de ce Mondial que sont l’Islande et le Panama surreprésentent cet état de fait.

Cela étant, cette situation d’inconfort temporelle mêlée à une inexpérience relativement élevée en fonction des sélections ne doit pas nous faire oublier que c’est aussi un manque d’audace qui prive les suiveurs de ce Mondial russe de bijoux collectifs. Car si certaines sélections répondent aux caractéristiques décrites plus haut, d’autres, à l’instar de l’Allemagne, de l’Argentine, ou encore de l’Uruguay, disposent d’un sélectionneur en place depuis de nombreuses années et/ou ayant déjà disputé une compétition continentale avec leur sélection. De plus, ces trois sélections, auxquelles l’on pourrait rajouter la France qui dispose tout de même d’un sélectionneur qui a déjà connu une Coupe du Monde et un Euro avec son pays, bénéficient de joueurs d’expériences formant aisément la fameuse colonne vertébrale footballistique (Muslera-Godin-Cavani-Suarez / Neuer-Boateng-Hummels-Kroos-Ozil-Muller/Rojo-Mascherano-Messi-Aguero et même Lloris-Varane-Pogba-Griezmann).

Ainsi, ces équipes devraient être en position de nous offrir à la fois des buts d’exception tant sur le plan individuel (Messi, Aguero,Suarez,Cavani, Pogba, Griezmann, Ozil) que collectif, et ne pas se cantonner à des ébauches parfois séduisantes mais rarement dangereuses.

Dès le deuxième tour ?

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