Mickaël Correia, le conteur d’histoires

Il est euphémique de dire que, dans l’époque actuelle, il est bien peu de raison de se montrer optimiste si l’on défend une vision populaire du football. Des transferts démesurés aux salaires mirobolants touchés par une poignée de footballeurs en passant par la mise à mal de la culture ultra – voire de sa mise à mort programmée – par les autorités, tout semble aller dans le sens d’une extension du domaine marchand dans le football. En d’autres termes, moins euphémiques, on peut dire que nous sommes sans doute en train d’assister à ce qui ressemble d’une manière ou d’une autre au triomphe du foot business, celui qui se soucie bien plus du téléspectateur chinois situés à des milliers de kilomètres que du supporter qui dépense temps, argent et énergie pour animer la tribune.

En regard de ce tableau bien morose, il serait aisé et confortable de baisser les bras, d’entonner ce chant lugubre qui explique qu’il n’y a rien à y faire, que c’est le sens de l’histoire et tant pis pour ceux qui refusent de voir le football caricaturé en vulgaire produit. On peut aussi se lever contre cette logique inique et obscène pour lutter contre les tendances mortifères qui parcourent le monde du foot. C’est le choix résolument fait par Mickaël Correia dans Une Histoire populaire du football. Plutôt que d’écrire un pamphlet sur le football professionnel actuel et ses dérives, l’auteur prend le parti – génial selon moi – de montrer comment le football a, depuis son origine, comporté une forte composante populaire et, osons le terme, révolutionnaire. Lire la suite « Mickaël Correia, le conteur d’histoires »

JHE, l’heure du choix

Deux semaines se sont écoulées depuis la folle soirée européenne qui a vu l’Olympique de Marseille triompher du RB Leipzig. Si la qualification n’a pas manqué de faire couler de l’encre dans tout l’Hexagone c’est bien l’ambiance du Vélodrome qui a marqué les esprits. Les épithètes accolées au « public marseillais » tendent parfois vers le surréel, sans pour autant s’éloigner d’une vérité faite d’allégresse et de bruit assourdissant. Deux semaines se sont écoulées et depuis rien ne semble faire chanceler les Olympiens de leur petit nuage. Ni les valeureux Troyens et encore moins les apathiques Lillois n’ont su mettre à mal une symbiose terrain/tribune frôlant l’idylle.

Cela étant, il faudrait faire preuve d’une méconnaissance crasse de l’histoire olympienne pour songer que l’atmosphère soit aussi radieuse que le laisse penser ces deux dernières semaines. Lire la suite « JHE, l’heure du choix »

Les Prolongs font le tour du monde (14/32): Pologne, l’ombre planante

Jeudi 30 juin 2016 aux alentours de 23h30 sur la pelouse du Stade Vélodrome de Marseille, Jakub Błaszczykowski, 4ème tireur polonais, s’avance vers la cage de Rui Patricio d’un pas déterminé. C’est pourtant le gardien portugais qui sort vainqueur du duel au grand désespoir du joueur polonais. Quelques instants plus tard, Quaresma enverra le Portugal en demi-finale en propulsant son tir au but au fond des filets marseillais. Il aura donc suffi d’une seule petite erreur pour que les Białe Orły – les Aigles blancs – polonais sortent de l’Euro 2016 sans avoir perdu un seul match lors du temps réglementaire. La désillusion polonaise est à la hauteur des espoirs que les Aigles avaient suscités.

Ils n’étaient certes pas désignés comme favoris de cet Euro français mais les Polonais faisaient assurément figure d’épouvantail avec une équipe équilibrée, menée par un duo offensif de grande qualité en les personnes de Milik et surtout Lewandowski. Cette équipe, ironie de l’histoire, s’est retrouvée dans le groupe du champion du monde allemand et l’a tenu en échec au stade de France le 16 juin 2016. Cet échec en quart de finale de l’Euro 2016 est donc venu briser avec force les rêves polonais mais les Białe Orły ont su se relever rapidement pour se qualifier tranquillement pour le mondial russe. De l’Allemagne tenue en échec lors du dernier Euro à la Russie où se tiendra le prochain mondial, la Pologne semble faire face à son histoire, ce qui constitue une merveilleuse porte d’entrée pour évoquer le football polonais. Lire la suite « Les Prolongs font le tour du monde (14/32): Pologne, l’ombre planante »

Les Prolongs font le tour du monde (13/32): Croatie, la tête d’affiche fragile

Mercredi 8 juillet 1998 peu après 22h, Davor Šuker bat Fabien Barthez et provoque la stupeur du stade de France. On joue alors le tout début de la seconde période de la demi-finale opposant la France à la Croatie et les Vatreni sont en train de gâcher la fête en menant au score grâce à celui qui finira meilleur buteur de la compétition. La suite, tout le monde la connaît, Lilian Thuram marquera le seul doublé de sa carrière et l’équipe de France finira par être championne du monde. Les Croates, eux, emporteront la petite finale et termineront troisième de ce mondial français, le meilleur résultat international de leur histoire.

Cette demi-finale, meilleur résultat d’un ex-pays de la Yougoslavie dans une compétition internationale, n’est pas le seul coup d’éclat de la Croatie sur la scène européenne et mondiale. Indépendante de la Yougoslavie depuis 1991, l’équipe au damier participe à sa première compétition internationale en 1996 lors de l’Euro anglais et atteint dès cette première participation les quarts de finale ne s’inclinant que face à l’Allemagne, le futur champion d’Europe. En ce sens, la Croatie est indéniablement la tête d’affiche footballistique des pays de l’ex-Yougoslavie. Ce statut, ainsi que les fragilités qui frappent les Vatreni, me semble être une formidable porte d’entrée pour lier politique et football en Croatie. Lire la suite « Les Prolongs font le tour du monde (13/32): Croatie, la tête d’affiche fragile »

Les Prolongs font le tour du monde (12/32): Serbie, les répliques géopolitiques

Lundi 9 octobre 2017, il est aux alentours de 22h15 lorsqu’Aleksandar Prijovic s’en va battre Giorgi Makaridze sur la pelouse du stade de l’Etoile Rouge à Belgrade. Entré quelques minutes auparavant, l’attaquant du PAOK Salonique fait littéralement exploser le stade qui s’embrase alors de multiples fumigènes. Les supporters serbes le savent alors, leurs joueurs surnommés les Aigles blancs vont vivre leur deuxième coupe du monde en tant que Serbie. Après avoir raté le mondial brésilien, la Serbie sera bien présente en Russie cet été pour représenter les pays d’Europe de l’est. Cette compétition en Russie ne manquera pas de rappeler à la Serbie son histoire, elle qui fut longtemps membre de la fédération de Yougoslavie, elle-même alliée de l’URSS.

Cette présentation peut paraître simpliste voire caricaturale mais dès lors que l’on aborde l’histoire des Balkans, il est difficile de faire sans un rappel historique. Au-delà de la simple question du football, l’histoire mouvementée de cette région d’Europe est une clé de compréhension absolument primordiale pour qui tente de l’étudier. Dès lors, la présence de la Serbie dans une coupe du monde en Russie est assurément une situation digne du plus grand des intérêts lorsque l’on s’intéresse à l’histoire de l’Europe de l’est. En ce sens, les liens qui rapprochent football et géopolitique en Serbie sont une formidable porte d’entrée pour parler du football serbe. Lire la suite « Les Prolongs font le tour du monde (12/32): Serbie, les répliques géopolitiques »

LE TOUR DES KOPS #1 : Le Football Club Sochaux-Montbéliard | À la découverte des tribunes sochaliennes (3/6)

Depuis la montée de Strasbourg et en raison de l’absence de Grenoble pour le moment, les Lensois semblent être les seuls garants d’une ambiance chaude en Ligue 2. Contrairement à d’autres en Europe, la France se démarque par une deuxième division bien morne comme en témoignent les affluences ridicules et les stades déserts, 6 377 spectateurs en moyenne en 2017/2018 selon le site de la ligue de football professionnel.

Bien qu’elle soit loin des moyennes lensoises et rémoises, l’enceinte sochalienne abrite un groupe de supporters des plus influents et représentatifs tant par ce qu’il subit que par ce qu’il revendique.

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Les Prolongs font le tour du monde (11/32): Pérou, le reflet démographique

Mercredi 15 novembre 2017 aux alentours de 22h50 sur la pelouse de l’Estadio Nacional de Lima, Christian Ramos vient d’inscrire le deuxième but de Los Incas dans ce barrage retour qui les opposent à la Nouvelle-Zélande. Ce but, historique, marque le retour de l’équipe péruvienne de football à la coupe du monde. Trente-six ans après sa dernière participation à un mondial, la Blanquirroja va retrouver l’ivresse de la plus grande des compétitions en rêvant peut-être d’égaler son meilleur résultat et d’atteindre à nouveau les quarts de finale. Si cette qualification a été entachée d’une polémique lors de la dernière journée des matchs de qualifications de la zone AmSud – Falcao avait semblé dire aux joueurs Péruviens qu’un nul arrangeait les deux équipes – celle-ci demeure historique pour le pays qui sera opposé notamment à la France lors de la phase de groupe.

C’est peu dire, en effet, qu’une qualification en coupe du monde trente-six années après sa dernière participation représente un évènement considérable pour le Pérou. Si la Blanquirroja est une participante régulière de la Copa América et possède même deux victoires à son palmarès (en 1939 et 1975), elle demeure une équipe qui se hisse rarement jusqu’à la coupe du monde puisqu’il s’agira alors seulement de sa cinquième participation cet été. La méconnaissance qui est la nôtre à l’égard de cette équipe est indiscutablement liée au fait qu’elle est en grande partie composée de joueurs évoluant de l’autre côté de l’Atlantique. Cette dichotomie entre le lieu d’évolution des joueurs me parait être une porte d’entrée particulièrement intéressante pour parler du football péruvien. Lire la suite « Les Prolongs font le tour du monde (11/32): Pérou, le reflet démographique »

Les Prolongs font le tour du monde (10/32): Costa Rica, les richesses de la diversité

Vendredi 20 juin 2014 aux alentours de 13h45 sur la pelouse de l’Itaipava Arena Pernambuco de Recife, Bryan Ruiz bat Buffon pour permettre au Costa-Rica de mener 1-0 face à la Nazionale. Quelques jours après avoir fait tomber l’Uruguay malgré l’ouverture du score concédée, Los Ticos viennent à bout de la quadruple championne du monde et file vers les huitièmes de finale du mondial brésilien à un stade où personne ne les attendait tant le groupe dont ils avaient hérité paraissait relevé puisqu’ils étaient accompagnés de l’Uruguay et de l’Italie donc mais également de l’Angleterre.

Composée majoritairement de joueurs peu ou pas connus en Europe à l’exception de quelques joueurs comme Keylor Navas, Bryan Ruiz ou Joel Campbell par exemple, La Sele a surpris les ogres de la poule D du mondial brésilien qui étaient censés la dévorer toute crue à en croire les observateurs. Quelques jours plus tard, les joueurs costariciens valideront la première place de leur groupe en obtenant un match nul contre l’Angleterre. C’est donc invaincus que Los Ticos se sortent d’un groupe qui avait tout pour être une traversée dangereuse comparable à une jungle menaçante pour eux, ce qui n’est pas sans rappeler la politique volontariste menée par ce pays et qui constitue une merveilleuse porte d’entrée pour évoquer le football costaricien et ses liens avec la géographie du pays. Lire la suite « Les Prolongs font le tour du monde (10/32): Costa Rica, les richesses de la diversité »

On a vécu OM-Leipzig au cœur du volcan (et on y a survécu)

En ce jeudi 12 avril, tout Marseille s’apprête à vivre un évènement extraordinaire, un quart de finale de coupe d’Europe. Il n’est en effet pas commun pour nous de nous hisser à ce stade de la compétition sur les dernières années. Voilà effectivement 6 longues années que nous attendions cela, depuis ce quart de finale de Ligue des Champions disputé face au Bayern Munich. L’ironie de l’histoire est telle que c’est à nouveau face à un club allemand que se déroule ce nouveau quart de finale européen, de Ligue Europa cette fois-ci. Dans sa propension à bégayer, l’histoire semble prendre un malin plaisir à nous soumettre à un supplice qui parait immuable. Il y a six ans, Steve Mandanda n’avait pas pris part au match aller au Vélodrome et Elinton Andrade s’était troué sur une frappe d’Olic. Six ans plus tard, le même Mandanda est blessé et son remplaçant Yohann Pelé s’est troué à Leipzig lors de la manche aller. Là s’arrête pourtant le parallèle entre les deux derniers quarts de finale européens de notre cher Olympique. Il y a six ans le match au Vel constituait la première manche, cette fois-ci c’est le match retour qui se tient dans l’enceinte du boulevard Michelet et c’est tout Marseille qui entend bien retourner les taureaux rouges de Leipzig.

Si la détermination et l’espoir sont de mise, ce n’est pas sans une pointe d’appréhension que Marseille attend ce match. Tout le monde, en effet, a en mémoire les désillusions récentes subies dans la fournaise du Vel. L’égalisation parisienne et le but fatal lyonnais, tous deux marqués en toute fin de match, sont encore des plaies ouvertes pour nous. Le vent violent qui souffle souvent sur la ville semble de plus s’être retourné contre nous ces derniers temps. Jadis forteresse où venaient périr toutes les équipes ou presque, le Vel s’est transformé ces dernières semaines en piège pour nos propres joueurs. Alors que la perspective de terminer tranquillement sur le podium était solidement ancrée dans nos esprits, trois matchs ont suffi à voir Lyon fondre sur nous et nous ravir la troisième place. C’est peu dire que tout Marseille et tous les amoureux de l’Olympique attendent de ce match des émotions trop rarement offertes cette saison ainsi qu’un match référence au cours duquel nos gladiateurs parviennent enfin à venir à bout d’une grosse équipe cette saison. En ce 12 avril 2018, c’est un match fondateur que tout le monde attend. Lire la suite « On a vécu OM-Leipzig au cœur du volcan (et on y a survécu) »

Les Prolongs font le tour du monde (9/32): Panama, les chemins tortueux

Mardi 10 octobre 2017 aux alentours de 20h45, la défense panaméenne balance un long ballon en direction de la surface costaricienne sur la pelouse de l’Estadio Rommel Fernandez de Panama City. Le ballon dévié parvient jusqu’à Roman Torres qui le propulse au fond des filets et envoie par la même occasion le Panama à la Coupe du Monde pour la première fois de son histoire. Couplée à la défaite des Etats-Unis à Port of Spain en Trinité-et-Tobago, cette victoire polémique – le premier but panaméen n’a en réalité jamais franchi la ligne – permet à La Marea Roja d’envoyer le petit pays de 75 000 km² comptant un peu plus de 4 millions d’habitants au septième ciel.

Le soulagement panaméen est à la hauteur de la frustration que le pays avait connu 4 ans plus tôt quand une défaite dans les arrêts de jeu du dernier match de qualification face aux Etats-Unis les avait privés de barrages face à la Nouvelle-Zélande. Futur petit poucet de la compétition et faisant partie des deux seuls pays (avec l’Islande) qui découvriront la Coupe du Monde cet été, le Panama intrigue profondément. Bien plus connu mondialement pour son canal qui fut l’objet de travaux titanesques et de détournements de fonds non moins grands ou pour son statut de paradis fiscal, le Panama s’est invité à la table des grandes nations de foot pour cet été. Le chemin tortueux que l’équipe a dû emprunter n’est pas sans rappeler l’histoire du pays et me parait être un excellent point d’entrée pour parler du football au Panama. Lire la suite « Les Prolongs font le tour du monde (9/32): Panama, les chemins tortueux »