Les Prolongs font le tour du monde (21/32): Uruguay, le football comme talisman

Vendredi 2 juillet 2010 aux alentours de 23h20 dans les couloirs du Soccer City de Johannesburg, Luis Suarez sent très certainement son cœur battre très fort. Quelques minutes plus tôt El Pistolero a empêché le Ghana de devenir le premier pays africain à se hisser en demi-finale d’un mondial, qui plus est en Afrique. Sur la dernière action du match, Suarez a en effet effectué un véritable arrêt de gardien pour éviter l’élimination à son pays. Alors exclu, il attend avec anxiété le penalty de Gyan. Lorsque celui-ci s’écrase sur la barre transversale, l’attaquant uruguayen exulte. Il exultera encore plus quelques minutes plus tard quand, d’une panenka géniale pour clore la séance de tirs au but, Abreu envoie l’Uruguay au septième ciel et renvoie le Ghana et l’Afrique à leurs larmes.

Ce match, pour ses circonstances mais aussi pour ce décalage existant entre la joie presque enfantine de Suarez et la détresse des Ghanéens, est désormais entré dans la légende de la coupe du monde. Symbole de la ruse pour les uns, de la tricherie pour les autres, le geste du Pistolero pour sauver sa Celeste a immédiatement été rangé dans la catégorie de ces actes qui définissent non seulement un moment mais aussi une personne voire une équipe. Pareille à la main de Maradona face à l’Angleterre en 1986, celle de Suarez contre le Ghana est porteuse de toute une symbolique qui dépasse largement le cadre de ce match ou de ce joueur. Le fait qu’elle ait été effectuée face à une équipe africaine joue à ce titre un rôle puissant en cela qu’elle fait écho à l’histoire du football uruguayen. Lire la suite « Les Prolongs font le tour du monde (21/32): Uruguay, le football comme talisman »

Les Prolongs font le tour du monde (20/32): Argentine, football et théâtre militaire

Dimanche 26 juin 2016 aux alentours de 22h40 sur la pelouse du MetLife Stadium d’East Rutherford, Silva vient d’inscrire le tir au but victorieux pour le Chili et d’offrir une deuxième Copa America à son pays au terme d’une finale qui ne marquera pas les esprits tant le jeu fut pauvre. Sur la pelouse, Leo Messi a les yeux rougis. Premier tireur de la séance, le petit lutin a raté son penalty et précipité la défaite de son Argentine. L’Albiceleste vit alors une troisième désillusion en trois ans après avoir été vaincue par l’Allemagne en finale du mondial brésilien puis par le Chili lors de la finale de la précédente Copa America. Sous le coup de la déception, Messi annonce d’ailleurs ce soir-là qu’il prend sa retraite internationale. Il reviendra plus tard sur sa décision pour venir sauver une Argentine bien mal embarquée dans les éliminatoires pour le mondial russe.

Après un parcours chaotique, les Argentins finissent par valider leur billet pour la Russie. A la déception consécutive aux trois finales perdues d’affilée a succédé la crainte de l’humiliation au sein de la population argentine. Le géant latino-américain que constitue l’Albiceleste avec ses 17 participations à une coupe du monde aurait en effet pu rester à quai et regarder le mondial russe à la télévision, ce qui n’aurait pas manqué de constituer une terrible blessure à l’ego d’un peuple qui vit pour le football. Les trois défaites consécutives en finale n’ont d’ailleurs pas manqué de convoquer de douloureux souvenirs, puisque le football argentin a ceci de particulier qu’il est intimement lié à la question militaire.

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Les Prolongs font le tour du monde (19/32): Suède, le football en reflet

Lundi 13 novembre 2017, aux alentours de 22h30 Gianluigi Buffon a les yeux rougis par les larmes sur la pelouse de San Siro. Quelques minutes plus tard il s’effondrera en larmes pendant une interview à la télé italienne. La Squadra Azzura vient en effet de se faire éliminer de la course au mondial russe. Ce qui paraissait improbable même après la défaite du match aller vient de se matérialiser. En regard de cette détresse, les Blågult (les Bleus-Jaunes) suédois exultent et ont eux aussi les yeux rougis mais pour des raisons diamétralement opposées au gardien légendaire italien. Alors qu’on leur promettait l’enfer après la retraite internationale de Zlatan, les joueurs suédois seront de la partie en Russie après avoir même effleuré une qualification directe à la suite de leur victoire sur leurs terres face à l’Equipe de France.

Cette coupe du monde en Russie marquera certes la 12ème participation de l’équipe suédoise à un mondial – ce qui fait d’elle une relative habituée de la compétition – mais la qualification a été accueillie avec joie et soulagement puisque les Blågult avaient été absents en Afrique du Sud et au Brésil. Cette qualification acquise après le retrait de leur joueur phare n’est pas sans évoquer deux des éléments qui caractérisent le pays : sa population urbaine très concentrée et son caractère hautement démocratique. Ces deux éléments me semblent être une porte d’entrée toute trouvée pour évoquer le football suédois et les liens qui le relient à la société suédoise. Lire la suite « Les Prolongs font le tour du monde (19/32): Suède, le football en reflet »

Phocée face à l’amer

En cette période de ramadan, des millions de musulmans à travers la planète ont la bouche sèche et parfois un goût amer qui les poursuit pendant la journée. Toutes ces considérations sont pourtant rapidement balayées dès lors que l’adhan (l’appel à la prière) de la prière du coucher de soleil retentit. C’est alors le moment de laisser mets et boissons glisser le long de la gorge. Les supporters marseillais ont sans doute approché ce ressenti au fil de la semaine dernière au moment d’aborder les deux finales – celle contre l’Atlético à Lyon et celle contre Amiens au Vel – de la saison phocéenne. Malheureusement pour nous, en ce qui concerne le football cette année il n’y aura pas eu l’équivalent de gâteaux miellés pour faire passer le goût amer pas plus que de boisson venant épancher la soif de victoire.

Plusieurs jours après que le rideau est tombé sur la saison 2017/2018 de notre Olympique adoré, le goût amer demeure en effet en bouche. Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, nombreux sont ceux d’entre nous à nous projeter sur la saison à venir – ou sur le mercato pour patienter. Pourtant, quoi que l’on fasse le coup porté est rude et il va falloir un peu de temps pour avaler cette fin de saison qui pouvait se révéler magnifique et qui, quoi qu’on en dise, se termine de manière un peu triste. Il n’y avait qu’à voir les visages dans le Vel samedi pour se rendre compte de la difficulté avec laquelle nous avons vécue cette fin de saison. Fiers de nos joueurs, de leur comportement, de ce qu’ils ont accompli mais également les yeux vitreux, le regard perdu dans le vide, parfois humidifié par des larmes que l’on attribue volontiers au pollen. Lire la suite « Phocée face à l’amer »

Les Prolongs font le tour du monde (18/32): Danemark, l’esprit d’Andersen

Vendredi 26 juin 1992 aux alentours de 21h55, Kim Vilfort vient d’inscrire le deuxième et dernier but de la finale du championnat d’Europe 1992 opposant le Danemark à l’Allemagne. Quelques minutes plus tard, les Dynamites danoises – surnom des joueurs danois – exultent sur la pelouse du stade Ullevi de Göteborg (qui convoque de tristes souvenirs pour moi) et viennent de devenir champions d’Europe après avoir fait tomber le géant et super favori allemand. En ce soir d’été 1992, il flotte un air de Scandinavie sur l’Europe : le Danemark vient d’offrir son premier trophée continental à la région et pour couronner le tout, les Danois sont sacrés en Suède, l’un des deux autres pays scandinaves.

Cette victoire surprise des Danois semble faire écho à l’une des personnalités les plus connues du pays, Hans Cristian Andersen. L’épopée victorieuse danoise aurait en effet pu sortir de l’imagination de l’écrivain auteur de plus de 150 contes, un peu comme si le football avait décidé en ce mois de juin 1992 de rejoindre la culture littéraire pour signifier que lui aussi faisait partie de la culture. Ceci constitue une merveilleuse porte d’entrée pour évoquer le football danois. Lire la suite « Les Prolongs font le tour du monde (18/32): Danemark, l’esprit d’Andersen »

Les Prolongs font le tour du monde (17/32): Islande, le coriace petit poucet

Mercredi 22 juin 2016 aux alentours de 19h50 sur la pelouse du stade de France l’Autriche pousse fort pour faire tomber l’Islande et arracher sa qualification pour les huitièmes de finale de l’Euro. C’est à ce moment que les joueurs islandais décident de contrer les partenaires d’Alaba pour venir les crucifier par un but de Traustason dans les tous derniers instants de la partie. Le match nul était déjà historique en cela qu’il leur permettait de sortir de la phase de groupes, voilà que les Islandais se retrouvent deuxièmes de leur groupe. Quelques instants plus tard, l’arbitre de la rencontre siffle la fin du match et les Islandais s’en vont célébrer par leur, désormais célèbre, clapping avec leurs supporters dans un bruit assourdissant.

La suite de l’histoire, tout le monde la connait : en huitièmes, les Anglais subiront la loi des Islandais avant que ceux-ci ne finissent par se faire douloureusement éjecter de la compétition par l’hôte de cet Euro. On aurait pu penser que ce parcours quelque peu féerique des Islandais ne serait qu’une parenthèse qui se refermerait bien vite. Après tout l’Euro en France était leur première compétition internationale et leur groupe de qualification pour la coupe du monde semblait relevé bien qu’homogène. Pourtant, ceux qui ont fait souffler un véritable vent de fraicheur sur l’Euro français ont terminé premier de leur poule de qualification, devançant notamment la Croatie. Cette permanence du rôle de petit poucet qui dérange tout le monde depuis quelques années me semble faire écho à la situation politique de la petite île de l’Atlantique nord et me parait être une merveilleuse porte d’entrée pour évoquer le football islandais. Lire la suite « Les Prolongs font le tour du monde (17/32): Islande, le coriace petit poucet »

LE TOUR DES KOPS #1 : Le Football Club Sochaux-Montbéliard |Comment contrer Ledus ? Le projet Sociochaux (4/6)

 

Régulièrement au centre des débats et des reproches que l’on peut faire au football et ses dérives, le « foot business », symbolisé par les affres de l’ « Union of European Football Associations » (UEFA) paraît parfois intouchable. Cependant, ce triste constat est réfuté par quelques irréductibles qui refusent de voir « leur » sport phagocyté par des esprits malsains.

Supporters, ultras, journalistes, joueurs…Chaque catégorie d’acteurs du monde du football connaît un contingent plus ou moins élevé de promoteur d’un football plus éthique et refusant les déboires capitalistes. Lire la suite « LE TOUR DES KOPS #1 : Le Football Club Sochaux-Montbéliard |Comment contrer Ledus ? Le projet Sociochaux (4/6) »

Les Prolongs font le tour du monde (16/32) : Corée du Sud, l’affirmation par le football

Mardi 25 juin 2002 aux alentours de 22h, Michael Ballack crucifie les espoirs sud-coréens à un quart d’heure du terme de cette demi-finale de coupe du monde. Malgré le quart d’heure de jeu restant en effet, la Corée du Sud ne parviendra pas à revenir. A l’issue du match, sur la pelouse du World Cup Stadium de Séoul, les Guerriers Taeguk sont assurément habités par un sentiment ambivalent. La désillusion et la frustration de ne pas être parvenu à se qualifier pour la finale de leur mondial est évidemment présente mais les valeureux Sud-Coréens peuvent être fiers d’eux et de leur parcours. Alors même que personne ne les attendait à ce niveau de la compétition les hôtes du mondial ont successivement sorti l’Italie puis l’Espagne avant de chuter face à l’Allemagne.

Ce merveilleux parcours, souvent symbolisé par le sélectionneur d’alors Guus Hiddink, a soulevé l’enthousiasme en Corée du Sud et a finalement agi comme une forme de révélation de la qualité du football sud-coréen. Avant 2002 en effet la Corée du Sud vivait à nos yeux dans l’ombre du Japon et avait fait pâle figure lors du mondial en France en se faisant notamment étriller 5-0 par les Pays-Bas dont le sélectionneur était alors Guus Hiddink. Cette affirmation qu’a été la coupe du monde organisée conjointement avec le Japon me parait être une excellente porte d’entrée pour évoquer ce qui lie le football à l’histoire de la Corée du Sud.

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On a vécu les 48h les plus longues de la saison marseillaise (et on est revenu avec la finale)

Dimanche 29 avril aux alentours de 19h, les joueurs de l’OM viennent d’être tenus en échec sur la pelouse d’Angers et de manquer l’occasion de prendre place sur le podium après le nul de Monaco contre Amiens. Il pourrait y avoir une forme d’abattement ou de frustration dans les têtes marseillaises avec cette occasion manquée et pourtant tout Marseille et tous les supporters de l’OM sont déjà tournés vers le déplacement à Salzburg quelques jours plus tard. Après la victoire 2-0 du match aller dans un Velodrome en fusion, tout Marseille croit dur comme fer à une qualification pour la 5ème finale européenne de son histoire.

Bien que la superstition pousse beaucoup d’entre nous à ne pas parler trop fort de la finale à Lyon, tout le monde ou presque s’y voit déjà. Les jours qui séparent le match à Angers de la demi-finale retour semblent interminables. Il est compliqué en effet de penser à autre chose qu’à ce match et quoi que l’on fasse pour le chasser de notre esprit, ce match revient pour le hanter. Impossible de ne pas faire le match dans sa tête un nombre incalculable de fois. Nous voilà rendus à espérer que nos joueurs ne soient pas comme nous et ne jouent pas le match avant dans leur tête. L’un des principaux avantages à faire un déplacement aussi lointain, c’est que l’attente dure un jour de moins avec le départ le mercredi soir en car. Après tant d’attente, nous voilà en route pour l’Autriche.

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Les Prolongs font le tour du monde (15/32): Japon, l’illusion footballistique

Mardi 18 juin 2002 peu avant 15h45 sur la pelouse du Myagi Stadium, Umit vient d’ouvrir le score pour la Turquie face aux Blue Samouraïs japonais. L’hôte de ce mondial, en partenariat avec la Corée du Sud, se retrouve donc mené plongeant ainsi ses supporters dans l’effroi. L’espoir reste pourtant de mise tant il reste du temps pour revenir et renverser la tendance. Il faut dire que les supporters nippons placent alors de grands espoirs en leur équipe pour la première coupe du monde organisée sur le sol asiatique. Le vainqueur de ce huitième de finale doit en effet affronter la Suède ou le Sénégal au tour suivant, ce qui semble être une voie royale (ou peut-être impériale pour coller à l’histoire du pays) pour atteindre la demi-finale de leur mondial.

Les Samouraïs échouent pourtant à revenir au score et seront forcés de constater que leur tombeur turc réalisera le parcours dont ils rêvaient en atteignant le dernier carré et en finissant même troisième de la compétition. La plaie est d’autant plus dure à refermer que dans le même temps la Corée du Sud parvient à atteindre la demi-finale alors même que personne ne s’y attendait en sortant successivement l’Italie et l’Espagne. Ce mondial au Japon et en Corée du Sud aura sans doute joué le rôle de révélateur pour ceux qui pensent que le Japon est la principale puissance du football asiatique et qu’elle écrase tout. En cela, cette compétition est un très bon point d’entrée pour parler du football japonais. Lire la suite « Les Prolongs font le tour du monde (15/32): Japon, l’illusion footballistique »